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Petites lettres dorées
17 février 2016

Je t'aime, moi non plus

« L’audience est ouverte, vous pouvez vous asseoir», dit la juge.

Elena est là, à la place de l’accusé et ma sœur témoigne. Ma chère petite sœur, j’aurais tant voulu l’épargner. C’est mon rôle de la protéger, de m’inquiéter pour elle sauf que les rôles se sont inversés. C’est elle qui a tout fait pour me sauver mais elle n’a pas réussi. Je suis morte, sous les coups de ma femme un soir d’octobre.

Et Elena… Mon amour. Elle que j’aimais et que j’aime toujours malgré tout ce qu’elle a pu me faire. Je ne peux m’empêcher de poser mon regard sur elle. Sept ans de mariage envoyés en l’air mais c’est aussi sept ans de souffrance et maintenant la libération.

Le jour de mon enterrement, tout le monde était là. Ma famille, mes amis, la famille d’Elena et nos amis en commun. Tous sauf elle. Ils racontaient des horreurs sur elle et pour une fois j’étais d’accord, je les ai laissé parler. Je l’avais toujours défendue, refusant de croire ce que mes proches disaient d’elle. C’était la femme de ma vie, celle que j’aimais et ça m’a couté la vie.  J’ai perdu la vie à cause d’elle, à cause de mon amour pour elle. Je n’ai jamais osé rien dire, de peur qu’elle ne me frappe. Mais les gens savaient, se doutaient que tout n’était pas tout rose dans notre couple. Les gens savaient mais ne faisaient rien. Les voisins entendaient les hurlements mais ne réagissaient pas. Les gens voyaient mes hématomes, ne me croyaient pas quand je leur disais que j’étais très maladroite et que j’étais tombée une énième fois. Ils n’ont rien fait pour me sauver. Rien ! Rien ! Rien du tout ! Quand la police a fouillé la maison après ma mort, elle a trouvé un carnet. Dans ce carnet je racontais tout. Tout depuis le début.

C’était un mois de juin, comme à mon habitude, j’allais dans une boîte gay. Une jeune femme vint me voir, me proposa un verre, me dragua et nous finissîmes la soirée chez elle. Elle me plaisait beaucoup, j’étais sous le charme et c’était réciproque. Nous nous sommes fréquentées pendant un an avant d’emménager ensemble. On disait que nous étions un merveilleux couple où l’amour débordait de partout. Ca me faisait toujours plaisir d’entendre cela et Elena était un vrai p’tit ange. Elle m’offrait des cadeaux, me disait des mots doux, elle était toujours aux petits soins pour moi. Et puis… Il faut dire ce qui est, elle était très douée au lit. Après deux années de vie commune, nous avions décidé de nous marier. Maintenant qu’il était autorisé pour les couples homosexuels. Mais Elena ne m’avait encore rien montré de ce qui se cachait sous son masque.  

Le mariage, la lune de miel, tout était parfait, comme dans mes rêves de petites filles. Ce n’est que quelques semaines plus tard qu’elle commença à laisser tomber son masque. Elle me disait de rentrer à une heure précise et si par malheur j’arrivais en retard, elle hurlait. Elle en profitait pour me rabaisser. Elle me disait que je n’étais qu’une moins que rien, que je ne servais à rien, que je devais l’écouter car sans elle je ne serais rien… Et moi, comme une conne, je la croyais. Je ne pensais pas être aussi crédule. Et ma dignité dans tout ça ?! Elle me traitait comme un chien et je me laissais faire. Je l’aimais beaucoup trop. Je n’osais pas la contredire, j’avais beaucoup trop peur.

La première fois qu’elle me frappa c’était parce qu’un homme me tournait autour, j’avais beau la rassurer en lui disant qu’il n’y avait qu’elle dans mon cœur. D’autant plus que je n’aime pas les hommes. Mais elle me gifla et s’excusa immédiatement. J’étais sous le choc, je ne me rendais pas compte de ce qui m’étais arrivée. Elle était à la fois douce et violente. Je suis restée avec elle, avec cette femme qui me battait pendant sept ans. Je n’aimais qu’elle.

Pourtant toutes ses contraintes m’énervaient. Rentres à dix-huit heures tous les soirs et pas une minute de plus. J’ai promis. Ne mets plus jamais cette robe, on dirait une salope. J’ai promis. Ne manges pas ça tu vas encore grossir, il faut que tu fasses attention. J’ai promis. Ne vois plus tes amis ou ta famille, ils t’influencent. J’ai promis. Je n’avais plus aucune liberté. Et cela ne me gênait pas. Aucune rébellion de ma part. Je la croyais, elle disait la Sainte Vérité et elle m’avait embrigadée dans sa secte.

Plus d’une fois j’ai cru mourir. Entre les coups de couteau et les étranglements. Mais mon plus grand soulagement était que nous n’avions pas d’enfants. Jamais je n’aurais supporté de les voir maltraités et qu’ils me voient dans un tel état. Elena en voulait. Plusieurs fois elle évoquait l’éventualité d’avoir un enfant. Malheureusement je ne pouvais pas lui offrir cela. J’étais stérile depuis mon enfance. J’étais triste de ne pas pouvoir lui offrir cette merveilleuse preuve d’amour. Elle me reprochait de ne pas faire d’efforts pour la rendre heureuse, que je n’étais qu’une idiote.

Un jour, nous avions cette même discussion. Elle voulait un enfant de moi, que je sois enceinte mais il était hors de question qu’elle soit enceinte. Elle ne voulait pas qu’un être dégoûtant grandisse dans son ventre.

« Je me fous que tu sois stérile ! Je veux un enfant de toi ! Je veux voir ton ventre évoluer, le voir grossir comme une baleine qui va éclater.

_ Mais on peut adopter si tu veux…, dis-je prudemment.

_ Non ! hurla-t-elle. Je ne veux pas d’un gosse d’une autre !

_ Ce sera cher et très compliqué…

_ Je m’en fous ! Tu te démerdes ! »

Et elle me gifla. Avec le choc de l’impact je tombai à terre. Elle prit une poignet de cheveux et les tira pour me relever.

« Elena… Tu… AIE !! Tu me fais mal ! AIIIE ! Arrête !

_ Et là je te fais mal ?! »

Elle me donna un coup dans le ventre, puis un deuxième. Je voulus crier mais aucun son de sortait de ma bouche, juste du sang. Elle me poussa avec une telle violence que je passai à travers la baie vitrée.

« Regarde ce que tu as encore fait !! Tout ça c’est de ta faute ! »

Elena était dans une rage folle. Elle me donna un coup de genou au visage puis partit. Je gisai à terre. Du sang coula et plusieurs touffes de cheveux était tombées. Au bout de plusieurs minutes, je rampai vers la salle de bain. Je n’arrivai pas à me relever. Je jetai un coup d’œil au miroir et je me dis que j’étais une reproduction d’un tableau de Picasso. Je voulus rire mais ça me faisait trop mal. Je m’adossai contre la baignoire et pleurai. Je ne pouvais appeler personne. Je me sentais très seule, seule au monde. Je fis couler un bain et m’y plongeai. L’eau devint rougeâtre et me provoqua des picotements au niveau des plaies.

Il m’ait déjà arrivé d’appeler la police pour leur signaler que je subissais des violences, que ça ne pouvait plus continuer ainsi. Mais elle n’a pas bougé. J’ai fait des mains courantes. Il y en avait au moins une dizaine mais ça ne suffisait pas. Puis il y eut les appels des voisins pour qu’elle vienne. Des policiers sont venus, ils ont fait l’autruche et ils sont repartis. Une fois, ma sœur et moi sommes allées à la gendarmerie afin de porter plainte. J’avais des bleus partout, des égratignures. Il était évident que j’avais été frappée. Mais le gendarme a dit que ceci n’était pas une preuve. Ils prétendent protéger les citoyens et quand on a besoin d’eux, ils sont aux abonnés absents. Si je meurs ce sera de leur faute car ils n’auront rien fait. Ou encore mieux ! Je suis déjà tombée sur des policiers homophobes ! Ils disaient que c’était mon problème, qu’ils n’avaient pas que ça à faire que de remplir des papiers pour les pleurnicheries d’une femme. Et que de toute manière j’allais pourrir en Enfer. Je n’avais aucune aide.

Elena avait appelé mon employeur pour dire que je démissionnais.

« Je ne veux plus que tu sortes sans mon autorisation ! Et toutes les semaines je te donnerai de l’argent pour que t’ailles faire les courses, espèce de boniche. Tu as intérêt à ne pas tout dépenser parce que je te connais avec tes goûts de luxe ! Tu risques encore de nous ruiner. »

J’hochais la tête. Voilà mon nouveau métier… Etre une femme au foyer désespérée… Ce qui me fit penser à la série Desperate Housewives du moins par le titre car ma vie ne ressemblait en rien à la leur.

Je faisais toujours bien attention à ne pas tout dépenser. Sauf une fois. J’avais eu le malheur d’acheter plus que ce qu’il ne fallait. Je savais ce que je risquais. Je revins à la maison, heureusement Elena n’était pas encore là. Je rangeai les courses puis cherchai désespérément des pièces ou même un billet qui traînaient dans  la maison. Mais rien. Je regardai l’heure : six heures moins le quart. Dans un quart d’heure Elena aurait fini sa journée et rentrerait. J’appelai ma sœur, espérant qu’elle puisse m’aider.

« Allô ? dit-elle.

_ Béatrice j’ai vraiment besoin de ton aide, sanglotai-je.

_ Que se passe-t-il ? C’est encore Elena ? Elle t’a fait quoi encore ?

_ J’ai besoin d’un peu d’argent, pas beaucoup, juste cinq euro…

_ Vous êtes ruinée ?

_ C’est compliqué. Est-ce que tu peux venir ?

_ Si je viens vers six heures et demie ça va ?

_ Non mais laisse tomber c’est pas grave. »

Et j’ai raccroché. Je dirais simplement à Elena que je devais acheter plus de produits. Peut-être qu’elle comprendra… Je l’espère.

Elena rentra. Je lui dis toute penaude que je n’avais plus d’argent. A mon grand étonnement, elle me rassura en me disant que ce n’était pas très grave et elle m’embrassa. Avait-elle une idée derrière la tête ? Je lui souris timidement, je me demandais ce qui allait m’arriver. Et elle me gifla de toutes ses forces. Et voilà… Je savais qu’elle ne pouvait pas être aussi gentille.

« J’ai décidé de ne plus m’énerver contre toi. De toute manière tu fais toujours tout mal ! Je ne sais même pas comment je fais pour te supporter encore ! Je mérite beaucoup mieux mais à la place je suis avec une petite conne qui essaie de me ruiner !

C’est parti tout seul, je n’ai pas pu me retenir. Tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler.

_ Casse-toi alors si tu n’es pas contente ! Et personne ne peut te supporter et tu ne mérites personne, tu devrais pourrir en prison, dis-je d’un ton provocateur.

_ Pardon ?! Tu peux répéter, je crois que j’ai mal compris.

Elle ne s’attendait sûrement pas à ce que je lui réponde.

_ Casse-toi ! J’en ai marre de toi. »

Je n’ai pas vu le coup partir, ma mâchoire venait d’être fracturée. J’avais le goût du sang dans la bouche. Cette fois-ci c’était de ma faute si elle me frappait. Je n’aurais pas dû lui répondre. Elle avait raison d’être en colère. Je l’avais bien mérité. Les coups étaient plus violents les uns que les autres. Des coups de pieds, des coups de genoux, des coups de poings… Je sentais mes côtes se casser une à une. Je la suppliais d’arrêter et elle me répétait qu’elle allait me tuer. Et je pensais vraiment que ma fin était proche. Elle me plaqua au mur, posa sa main sur mon cou, me souleva et commença à m’étrangler. Je me débattais, ce devait être l’instinct de survie. Je suffoquais. Je priais pour qu’elle en finisse, que je n’ai plus à subir cela. Mais elle me relâcha et me laissa tomber. Elle me cracha dessus avant de m’enfermer dans la petite cabane au fond du jardin.

Ma sœur vint le lendemain. Voyant que personne n’ouvrait, elle ouvrit la porte. Je lui avais laissé un double des clefs au cas où… Elle fouilla toute la maison puis me trouva gisante au sol, dans la cabane. Elle m’emmena immédiatement à l’hôpital. J’y suis restée un mois. Un mois loin d’Elena. Ca me fit le plus grand bien. Elle venait quelques fois me voir, pour me surveiller bien sûr. Elle m’offrait des roses. J’étais à nouveau sous le charme. La Elena que j’avais connue au début de notre relation était réapparue et j’en oubliais presque sa violence. Elle avait revêtue son masque. J’étais en sécurité à l’hôpital, elle ne pouvait rien me faire. Mais bientôt je devrais retourner à la maison et tout recommencerait.

Je préparais le dîner. Elena rentra et elle sembla de bonne humeur. Elle vint par derrière pour voir « ce que je faisais de bon à manger ». Alors que d’habitude elle me reprochait de ne lui préparer que des repas infects. Je sentis ses bras m’enlacer, ses lèvres embrasser mon cou. Sa présence me faisait du bien. Je me détendais peu à peu. Elle me susurrait des mots doux. Elle était en totale contradiction avec la personne que je connaissais habituellement. Elle était si douce avec moi. J’essayais de me concentrer sur le repas pour que rien ne brûle et que je n’ai pas à subir sa colère mais elle me déstabilisait et elle l’avait bien remarqué ce qui la fit rire. Elle m’embrassa tendrement. Je fus complètement subjuguée. Sa main glissa sur mon pantalon et la passa à l’intérieur. Je me crispai immédiatement. Je n’avais pas envie. Mais Elena continua, déboutonna le pantalon et commença à le descendre. Je pris sa main pour la stopper. Elle plaqua ma main sur la plaque vitrocéramique chaude. Je hurlai de douleur. Elle me dit que je n’étais jamais contente, qu’elle avait beau faire des efforts que ça ne me suffisait pas. Je n’étais qu’une princesse. Et si elle avait raison ? Elle arracha mon haut, me déshabilla complètement. Je me débattis en vain. Elle me viola et m’obligea à lui faire un cunnilingus. Et une fois qu’elle avait joui, elle me laissa « tranquille ». Je pris une douche, je me sentais sale. Je pleurai. Je pensais que c’était enfin fini mais elle avait invité deux hommes. Chacun prit son pied et je faisais tout pour ne pas vomir. Entre un qui m’obligea à avaler tout son sperme et l’autre qui me l’aspergea sur moi. Je me suis dit que je n’aurais pas dû prendre une douche. Je n’étais plus qu’un objet de plaisir. Je me laissais faire, simulais des orgasmes pour leur faire plaisir. Et toute la soirée j’avais soit un pénis dans la bouche, dans le vagin ou dans l’anus. Je fus soulagée quand ils sont partis. Ma douche dura une heure ! J’aime exclusivement les femmes et je comprends mieux pourquoi ! Je les pensais douces, aimantes, gentilles mais j’ai sûrement dû tomber sur la seule qui n’avait pas toutes ces qualités.

Quand ce cauchemar allait-il s’arrêter ? Quand allait-elle enfin me tuer ? Je ne pouvais plus me regarder devant un miroir, lorsque je sortais, je portais des lunettes pour ne pas qu’on puisse voir mon œil au beurre noir. Je portais des pulls, des pantalons pour ne pas qu’on voit mes bleus. J’étais emprisonnée. Il m’était impossible de me libérer de son emprise. D’une part parce que je l’aimais et d’autre part parce qu’elle me retrouverait où que j’aille. Elle menaçait qu’un jour elle allait me tuer. Ou bien qu’elle tuerait d’abord ma petite sœur sous mes yeux puis qu’elle se chargerait de moi.  J’avais peur d’Elena car je la connaissais suffisamment pour savoir que ce qu’elle disait était vrai. Je savais qu’elle pouvait mettre ses menaces à exécution.

J’avais eu le malheur d’abîmer une chemise d’Elena pendant que je repassais cette après-midi. Elle le découvrit et m’engueula. Je lui promis que j’allais lui en racheter une nouvelle. Elle prit le fer à repasser et me frappa à la tête. Le sang encore chaud coulait le long de ma joue puis de mon cou. Elle me donna de nombreux coups de pieds. Je la laissai me frapper, espérant qu’elle parte comme à son habitude mais j’avais un mauvais pressentiment ce soir-là. Elle puait l’alcool à plein nez. Or l’alcool n’aide pas à être plus calme, au contraire cela renforçait sa haine et elle devenait encore plus violente. Elle avait allumé le fer à repasser et une fois qu’il était bien chaud, elle le posait sur mon ventre, mes jambes, mes seins et mon visage.  C’était la fin… Elle partit chercher un couteau et je hurlai, je la suppliai de m’épargner. Elle n’en avait que faire. Elle me planta le couteau dans le ventre puis une deuxième fois. Elle m’écorcha la joue, planta le couteau dans l’œil. Alors si je ne mourrais pas aujourd’hui, je serais borgne. Puis elle m’aspergea d’essence et en profita pour asperger la maison. Je n’avais plus assez de force pour appeler à l’aide, pour me débattre. Elle sortit tranquillement et mit le feu à la maison. Je hurlai de douleur. Et je mourus.

Je suis morte sous la violence de ma femme. Et personne n’a rien fait pour éviter cela.

« Madame Jeunet vous êtes condamnée à trente ans de prison pour le meurtre de Madame Gaufrin », déclara la juge.

Ma sœur fut soulagée. Elena ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Je pouvais enfin reposer en paix, elle n’allait plus maltraiter personne. Cependant il a tout de même fallu un meurtre pour que la police se rende compte qu’Elena était une personne très dangereuse. 

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